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Salarié protégé : conséquences de l’absence de réintégration post-annulation de la rupture conventionnelle

Le salarié protégé dont la rupture conventionnelle est nulle en raison de l’annulation de l’autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Si l’employeur ne satisfait pas à cette obligation et sans justifier d’une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.

Soc. 15 mai 2019, F-P+B, n° 17-28.547

Les salariés titulaires d’un mandat bénéficient d’une procédure protectrice consistant, pour l’employeur, à demander à l’inspection du travail l’autorisation de licencier ces salariés, que le mandat s’exerce au sein de l’entreprise ou à l’extérieur de celle-ci (C. trav., art. L. 2411-1, pour le licenciement ; C. trav., art. L. 2412-1, pour la rupture d’un C

DD ; C. trav., art. L. 2413-1). Ainsi, un employeur désireux de rompre le contrat de travail d’un salarié protégé doit respecter à la fois les règles classiques inhérentes au mode de rupture du contrat et la procédure spécifique faisant intervenir l’inspecteur du travail. Précisément, s’agissant de la rupture conventionnelle, à l’homologation est substituée l’autorisation de l’inspecteur du travail. Le contrôle de l’inspecteur ne sera pas de la même nature que celui exercé au titre du licenciement. Il ne s’agit pas ici d’apprécier le motif de licenciement mais de vérifier le caractère libre et éclairé du consentement contractuel. De plus, l’inspecteur doit s’assurer que la rupture est sans lien avec l’exercice du mandat.

Dans l’affaire rapportée, un salarié avait été engagé en qualité de chef de projet senior puis a été promu directeur de projet. Il a été élu membre de la délégation unique du personnel et désigné membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le salarié a signé avec son employeur une rupture conventionnelle le 28 novembre 2012. L’inspecteur du travail a autorisé cette rupture le 21 janvier 2013. Le salarié a, par suite, formé un recours devant le ministre du travail, qui a annulé la décision de l’inspecteur du travail. L’employeur a dès lors proposé un poste de chef de projet par lettre du 24 juillet 2013. Estimant se heurter à un refus de réintégration sur son poste ou un poste équivalent, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 27 septembre 2013, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes.

Le 23 novembre 2017 (Paris, pôle 6, ch. 7, 23 nov. 2017), la cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l’employeur et a jugé que cette résiliation produisait les effets d’un licenciement nul en condamnant l’employeur à payer diverses sommes de dommages et intérêts pour licenciement nul. L’employeur s’est pourvu en cassation.

Au soutien de son pourvoi, l’employeur arguait que l’annulation de l’autorisation de rupture conventionnelle n’emporte pas ipso facto celle de la convention de rupture et que le contrat de travail a été rompu après autorisation de l’inspecteur du travail de sorte que cette rupture n’était pas intervenue en méconnaissance du statut protecteur.

La Cour de cassation rejette ces prétentions en considérant que le salarié protégé dont la rupture conventionnelle est nulle en raison de l’annulation de l’autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Il en résulte que, lorsque l’employeur n’a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d’une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur pour ce motif produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur. La cour d’appel, qui a prononcé la résiliation du contrat de travail du fait de l’inexécution par l’employeur de son obligation de procéder à la réintégration du salarié dans son poste ou un poste équivalent, en a déduit à bon droit que le salarié pouvait prétendre à une indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à la fin de la période de protection dans la limite de trente mois.

En clair, la Cour de cassation s’inscrit dans sa ligne jurisprudentielle constante selon laquelle l’employeur est obligé de réintégrer le salarié lorsque l’autorisation administrative a été annulée (Soc. 5 déc. 2018, n° 16-19.912, D. 2018. 2420 ) il a enfin été jugé que le salarié protégé licencié en méconnaissance de son statut protecteur pouvait obtenir sa réintégration (Soc. 25 janv. 2006, n° 04-40.789, Bull. civ. V, n° 28 ; D. 2006. 467 ; ibid. 2002, obs. J. Pélissier, B. Lardy-Pélissier et B. Reynès ; RDT 2006. 41, obs. M. Grévy ). Il est en outre logique que la résiliation judiciaire produise les effets d’un licenciement nul lorsque le statut protecteur n’a pas été respecté (Soc. 26 sept. 2006, n° 05-41.890, Dalloz jurisprudence).

La Cour de cassation a par ailleurs jugé que le salarié protégé qui a saisi le juge prud’homal d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que d’une demande de réintégration avant l’expiration de sa période de protection pouvait prétendre non seulement aux indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à six mois de salaire mais également au versement de l’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur, égale aux salaires dus entre son éviction de l’entreprise et le prononcé de la résiliation de son contrat de travail (Soc. 16 déc. 2014, n° 13-15.081, Bull. civ. V, n° 290 ; Dalloz actualité, 26 janv. 2015, obs. B. Ines ; D. 2015. 83 ). Cet arrêt n’a cependant pas statué spécifiquement sur la validité d’une demande de réintégration après résiliation judiciaire du contrat de travail.